Résumé des 5 points importants
- 1Une intoxication massive à l’alcool peut conduire au décès ainsi qu’au handicap en raison des conséquences directes (dysfonction respiratoire, trouble du rythme cardiaque, étouffement) et indirectes (traumatisme cranio-cérébral).
- 2Une personne alcoolisée peut être surveillée à domicile si : (1) elle n’est que légèrement somnolente et reste réveillable en tout temps, (2) elle ne présente pas de traumatisme important (chute, rixe) ou d’intoxication à une autre substance (médicaments, stupéfiants), et (3) qu’elle ne présente pas de maladie susceptible de se dégrader en raison de l’alcoolisation (diabète, insuffisance rénale, épilepsie et autres maladies neurologiques, etc.).
- 3Contrairement aux pratiques populaires, il ne faut pas faire vomir un patient alcoolisé.
- 4L’eau est recommandée en quantité abondante pendant la consommation d’alcool pour prévenir la déshydratation, réduire la toxicité, et contre-balancer la tendance à l’hypotension artérielle.
- 5Il ne faut pas chercher à faire boire ou manger une victime somnolente ou qui n’est pas en mesure de s’alimenter seule.
Faire vomir ? faire boire ? Quand peut-on se contenter de laisser une personne alcoolisé décuver dans son lit?
« Une personne sur cinq fait des excès, occasionnellement ou régulièrement, portant ainsi atteinte autant à sa santé qu’à son environnement social« , nous dit la Confédération 1https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/gesund-leben/sucht-und-gesundheit/alkohol.html.
La consommation de l’alcool éthylique (ou éthanol) comme substance psycho-active est aussi ancienne que répandue. Pourtant, ses effets sur l’organisme sont rarement bien connus des consommateurs.
Quand on parle d’alcoolisation aiguë (« cuite »), il faut distinguer les conséquences directes – dues aux effets de l’éthanol sur l’organisme – des conséquences indirectes – dues à la modification des aptitudes, du comportement, ou aux répercussions sociales.
En matière de premiers-secours, nous nous intéressons surtout aux effets menaçant l’intégrité corporelle ou la survie.
Premiers secours pour un excès d’alcool comme dans tout trouble de l’état de conscience
La première chose à évaluer est l’état d’éveil d’un patient alcoolisé : une personne qui ne peut pas être réveillée par une stimulation verbale ou tactile (p.ex en lui secouant l’épaule ou en lui ordonnant d’ouvrir les yeux) présente un risque vital et ne peut être laissée à domicile. En effet, l’absence de réaction signifie un coma éthylique et le risque d’obstruction respiratoire en cas de vomissements est élevé. Cette personne doit être transférée dans un service d’urgence (en ambulance) pour une surveillance continue par une équipe apte à sécuriser ses voies respiratoires si nécessaire. En attentant, il est crucial de placer la victime non réveillable sur le côté – peu importe lequel. Le but de cette manoeuvre, dite PLS pour Position Latérale de Sécurité, est de réduire le risque d’obstruction respiratoire face à la tendance qu’à la langue à encombrer le pharynx, et face à une éventuelle remontée de contenu gastrique dans la gorge.
Des traumatismes crâniens fréquents
La seconde chose à évaluer est la présence d’un traumatisme de la tête. Ceux-ci sont fréquents en raison des chutes et des rixes dans les contextes d’alcoolisation. La suspicion de traumatisme crânien se fonde en premier lieu sur l’histoire rapportées par le/la patient-e ou les témoins. Lorsque l’anamnèse n’est pas possible, il est alors important de rechercher des indice d’un choc à la tête. On cherchera alors un hématome ou une plaie au visage, une plaie au scalp, du sang s’écoulant des oreilles ou du nez, un gonflement d’une pommette ou d’une lèvre, etc.
Un traumatisme de la tête justifie lui aussi une admission aux urgences en raison du risque de saignement intra-crânien.
Un excès d’alcool… mais sur quel terrain ?
Chez un-e patient-e qui reste réveillable, et en absence de traumatisme, la présence d’un facteur de vulnérabilité peut justifier une admission aux urgences. Par exemple l’existence d’une maladie chronique telle que diabète, maladie rénale, maladie du foie, épilepsie, ou la prise concomitante d’autres stupéfiants (héroïne, benzodiazépines, cocaïne, amphétamines, kétamine, etc.).
Un environnement possiblement dangereux
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un critère médical à proprement parler, un environnement hostile justifie le recours à une ambulance. Par exemple une victime somnolente à l’extérieur, à proximité de la voie publique ou au bord d’une piscine. Ces situations mettent la survie en péril, en particulier la nuit, lorsque le passage est réduit.
Des situations hautement dynamiques
Les problèmes médicaux sont la plupart du temps dynamiques, et l’alcoolisation aiguë est une situation pouvant évoluer vite et mal. Si la victime semble devenir difficillement réveillable, qu’elle « plonge » vers le coma, il est essentiel d’alarmer les secours.
Qu’en est-il des recettes populaires ?
NON, ne faites pas vomir un proche alcoolisé.
Les vomissements n’ont d’utilité que pour les rares toxiques qui ont tendance à rester longtemps dans l’estomac. Dans le cas de l’alcool, seul le dernier verre consommé est régurgité par des vomissements. De plus, un patient intoxiqué par l’alcool a un risque augmenté de faire des fausses-routes. Du liquide gastrique peut alors remonter dans le pharynx et provoquer des difficultés respiratoires potentiellement fatales. Enfin, les patients dépendant à l’alcool présentent des anomalies vasculaires du système digestif. Des veines sont gonflées, fragilisées, et risquent de se rompre en cas d’effort de vomissement important (ruptures de varices œsophagiennes). La conséquence est alors une hémorragie très difficile à contrôler à moins d’une endoscopie en urgence.
NON, ne faites pas boire d’eau à une personne somnolente.
Boire de l’eau c’est bien, en prévention. On pense que l’alcool exerce un effet diurétique (perte d’eau dans les urines), natriurétique (perte de sel dans les urines) et vasodilatateur (dilatation des vaisseaux sanguins). A terme, ces effets conduisent à une déshydratation et une baisse de la pression artérielle. De plus, l’hydratation permet de diluer une substance toxique présente dans le sang pour en réduire la toxicité directe.
Toutefois, ne tentez pas de faire boire une personne qui n’est pas en mesure de porter un verre à sa bouche et de s’assoir sans aide. Si la victime est somnolente ou incapable de s’assoir, tout liquide va encombrer ses voies respiratoires et menacer sa survie.
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