Résumé des 3 points importants
- 1La pompe à venin n’a aucune efficacité prouvée pour le traitement de toute piqûre d’insecte ou d’une morsure de serpent.
- 2Dans le stress d’une réaction allergique sévère, l’usage d’une pompe à venin risque de faire perdre un temps précieux en retardant les mesures réellement utiles.
- 3 Le liquide qui remonte parfois à la peau lors de l’usage de la pompe à venin est le liquide interstitiel naturellement présent dans la peau.
L’idée derrière la pompe à venin
On comprend aisément l’idée derrière une pompe à venin (Aspivenin® en France) : suite à une piqûre ou morsure d’animal, du venin a été injecté sous la peau. Pourquoi ne pas essayer de l’aspirer hors du corps pour diminuer la charge toxique et réduire ainsi ses effets?
Pour la bonne raison qu’en pratique, le concept n’a jamais fait ses preuves! C’est peut-être l’une des plus grosse tromperie médicale des 30 dernières années. Par ailleurs, plusieurs travaux rapportent des effets néfastes de l’usage d’une pompe à venin, et ce pour plusieurs raisons.
Le risque de retarder les mesures vitales
Premièrement, les pompes à venin font l’objet d’une grande publicité par leurs concepteurs qui clament leurs supposés bienfaits, mais oublient de mentionner l’existence d’autres traitements bien plus efficaces. Il existait par exemple un modèle américain dont le instructions stipulent qu’en cas d’allergie connue aux hyménoptères (= guêpes, abeilles), l’utilisation de la pompe à venin permet de combattre le danger inhérent à la piqûre d’un tel insecte. Si cette affirmation n’a jamais été prouvée scientifiquement, elle est surtout dangereuse dans le contexte de panique d’une réaction allergique sévère, où l’attention devrait plutôt être portée sur l’utilisation d’un auto-injecteur d’adrénaline et l’appel à l’ambulance, plutôt que sur le recours à un appareil qui a montré sa parfaite inutilité. 1https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1406833/
Comme de nombreuses autres mesures inefficaces répandues dans les premiers-secours, la pompe à venin présente le risque de détourner l’utilisateur des mesures vitales qu’il devrait prendre en priorité.
Des possibles effets indésirables locaux
Deuxièmement, il existerait des effets néfastes directs. La conséquence de la dépressurisation à la surface de la peau est une dilatation des vaisseaux capillaires, expliquant l’ecchymose qui survient après un suçon. En augmentant la taille des vaisseaux, on suppose que l’Aspivenin® pourrait accélérer l’absorption du venin dans la circulation sanguine, et donc possiblement accélérer la survenue des effets toxiques. Cette théorie ne fait pas l’objet de preuves scientifiques fiables, mais reste physiologiquement assez plausible pour justifier la prudence. On note aussi plusieurs cas rapportés de nécrose ou de dégradation des blessures locales suite à des morsures de serpent traitées par pompes à venin2https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11055564/.
« Pourtant, je vois le venin sortir! »
D’où vient alors le liquide qui remonte à la surface de la peau lorsqu’on se sert d’un tel dispositif? Voici le résumé de l’un des rares travaux sur le sujet 3https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/14747805/ :
Huit cobayes se sont faits injecter 1ml de faux-venin de serpent marqué par un traceur radioactif. Après aspiration pendant 15min à l’aide d’une pompe à venin commerciale (Sawyer Extractor Pump®), la mesure de la radioactivité à la peau ne montre pas de changement significatif. La quantité de “venin” marqué présent dans le tissu n’a donc pas diminué (!). Cette petite étude conclut que le liquide qui est visible à l’intérieur de la pompe à venin serait en réalité le liquide interstitiel du tissu cutané, mêlé à une petite quantité de sang.
Conclusion
La STS-Neuchâtel, sur la base de ces données, a fait le choix de ne pas s’équiper de tels dispositifs lors des activités de premiers secours. Nous vous recommandons vivement de ne pas utiliser d’Aspivenin® (ou pompe du même type) en cas de piqûre d’insecte ou de morsure de serpent, et de privilégier les mesures dont l’efficacité est prouvée.
Pour en savoir davantage sur les mesures de premiers secours propres aux situations particulières (randonnées, outdoor), n’hésitez pas à nous contacter pour que nous organisions ensemble une formation sur-mesure.
Article intéressant, merci, mais à défaut d’utiliser aspivenin ou autre pompe, vous préconisez de vous appeler.
C’est donc que vous savez quoi faire en cas de piqure d’insecte.
Alors pourquoi ne pas le dire dans l’article. ?
C’est tout ce que le lecteur recherche en fait…
Cher Monsieur Fouchard,
Merci pour votre remarque critique que je comprends parfaitement.
Les premiers secours ne s’enseignent pas sur un blog. Nous ne proposons pas aux lecteurs-rices de nous appeler en cas de réaction allergique mais de suivre une formation pratique dans le cadre des cours que nous dispensons.
La base est toutefois mentionnée dans l’article : alarmer les secours précocement, ne pas perdre de temps avec un Aspivenin à l’efficacité non-démontrée, et – si nécessaire – utiliser un auto-injecteur d’adrénaline. Toutefois, le stress et le caractère extraordinaire de ce genre d’événement fait que la théorie est souvent insuffisante et les gestes, comme la prise de décision, doivent être entrainés. Cet article ne se substitue pas à une formation par des scénarios pratiques.
Meilleures salutations,
Térence
Bonjour,je n’ai jamais utilisé de pompe,mais lors d’une piqûre de guêpe au bras,j’ai immédiatement aspiré aussi fort que possible ave ma bouche,j’ai clairement senti le goût très amer du venin qui ressortait,j’ai aspiré jusqu’à ce que je saigne par le trou de la piqûre,le gout a cessé, je me suis dit que j’avais tout sorti.
Apres,rien,absolument rien,et pourtant je suis très réactif d’habitude aux abeilles et guêpes,je gonfle beaucoup pendant trois jours environs,la,rien,pas même de démangeaison.
J’ai clairement aspiré le venin,sa aucun doute,alors je me dis que la pompe doit quand même fonctionner…..j’aimerais voir les études qui prouvent le contraire,la façon dont on a effectué les test,car,de mon vécu,j’ai du mal à y croire…..
Merci !
Bonjour,
Merci d’avoir partagé votre expérience personnelle. Je vous décourage toutefois d’essayer d’aspirer le venin avec votre bouche en cas de piqûre/morsure. Les travaux sur le sujet sont rares mais toutes les recommandations de premiers secours sont unanimes : pas d’aspiration à la bouche, pas de garrot, et pas de pompe à venin.
Impossible de dire dans votre cas quelle a été l’utilité de votre démarche. On ne peut en effet pas conclure que votre aspiration d’un liquide ayant mauvais goût ait été d’une quelconque utilité, car la réaction habituel que vous décrivez de gonflement localisé durant 3 jours n’est pas non plus typique d’une réaction allergique et pourrait aussi dépendre de la localisation de l’envenimation. Les réactions locales comme vous le décrivez peuvent être combattues par l’application de glace pendant quelques jours. Les pommades et gels anti-histaminiques (p.ex. Fenistil) ont aussi une efficacité possible (controversée).
En ce qui concerne les études/sources utilisées, elles sont citées dans le texte (légendes bleues 1, 2, ..). Vous trouverez deux études sur le sujet ici :
https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJM199210293271820
https://www.annemergmed.com/article/S0196-0644(03)00813-8/abstract
Ces articles sont en anglais et malheureusement payant, mais je peux vous les envoyer en messagerie privée si le thème vous intéresse.
Sinon, vous trouverez ici les recommandations francophones de la Fondation Internationale de la Croix-Rouge en matière de premiers secours pour les morsures/piqûres d’insectes : https://www.globalfirstaidcentre.org/fr/insect-bites-or-stings/